Palermo

Que faire lorsqu’on sait qu’on va s’enfermer dans un bureau pendant un an ? Partir, partir loin. Une semaine avant cette « césure professionnelle », je suis parti avec mon petit frère dans les contrées siciliennes, et plus particulièrement, à Palerme et ses environs.

Grégoire - Cathédrale Palerme ©Grégoire Lenoir

L’arrivée annonce la couleur. Falcone-Borsellino n’est pas n’importe quel aéroport. Habituellement, un avion atterrit sur la terre ferme. Surprenant me direz-vous. Il existe toutefois deux exceptions : avoir des flotteurs sous le fuselage ou s’appeler Chesley Sullenberger et amerrir sur l’Hudson. J’ai découvert une troisième exception à Palerme, en tout cas, en apparence. La mer vient à la fois caresser le système ILS en début de piste et border le bout de piste ce qui rend l’approche fascinante. À travers le hublot, on voit l’ombre de l’avion, imprimée sur l’eau, grandir et grandir. Au fur et à mesure de la descente, la masse grise, rendue vivante par les lames de l’eau, enivre, plonge le passager dans un état onirique. Mais, l’état est de courte de durée.  Le sursaut créé par la comparaison de l’ombre avec un référentiel connu qui indique que l’avion est extrêmement proche de l’eau remet les pieds sur terre. 100 mètres, 50 mètres… Toujours rien que de l’eau. Tout à coup, le crissement des pneus sur le bitume met fin à la contradiction interne. Nous avons bien atterri sur la terre ferme. Les monts volcaniques à flanc de mer qui jalonnent la côte ajoutent à l’expérience splendide.

Grégoire - Atterrissage Palerme ©Grégoire Lenoir
Atterrissage Palerme ©Grégoire Lenoir
Grégoire - Chapelle Palatine ©Grégoire Lenoir
Chapelle Palatine ©Grégoire Lenoir

Il suffit de 40 minutes pour rejoindre le centre de Palerme. Une fois sur place, on est plongé dans l’ambiance italienne ou, devrais-je dire, sicilienne. Ce n’est pas la même chose. D’ailleurs, ces derniers appellent les premiers les continentaux. Une distinction à ne pas négliger. Mais ce n’est pas le plus périlleux en ville. En tant que piéton, la faux passe souvent trop près. Les voitures ne s’arrêtent pas pour les êtres à deux pattes. Aucune légende donc dans la capacité des Italiens à rendre tout espace roulable un havre de confusion et de danger. Le couronnement de ce constat ? Une voiture de la polizia traversant allègrement un feu rouge. Les premières centaines de mètres passées, et en vie, on arrive sur la place Bellini, une petite place absolument sublime. Deux églises côte à côte font la synthèse de l’histoire de la ville.  Il s’agit à l’ouest de la Chiesa San Cataldo, d’architecture arabo-normande, et à l’est de la Chiesa della Martorana, de style byzanto-normand. Le mélange des genres, merveilleusement exotique, n’est que la traduction d’une sorte de multiculturalisme d’époque où les cultures grecques, latines et musulmanes se sont mélangées. Ce syncrétisme fut l’obstinato de notre séjour. À quelques centaines de mètres, la cathédrale de Palerme présente effectivement les mêmes traits que ses sœurs.  L’édifice contenant le sépulcre du roi Roger II, fondateur du royaume de Sicile, prend aux tripes. Notre visite se poursuit ensuite par le palais des Normands. À l’entrée, nous découvrons pour commencer une salle consacrée à la promotion d’un opéra contemporain nommée Fuck. Une découverte pour le moins atypique dans un tel lieu… À l’étage, changement d’esprit. On y découvre la fameuse chapelle palatine dont Maupassant disait qu’elle était : « La plus belle qui soit au monde, le plus surprenant bijou religieux rêvé par la pensée humaine et exécutée par des mains d’artiste. » La beauté des mosaïques coupe effectivement le souffle. C’est la contemplation à l’état pur. Une autre observation nous marquera : les mosaïques relatant les passages de la Bible. Chacune est un petit bijou plus discret que l’immense Christ Pantocrator au centre de la chapelle mais non moins époustouflant par la précision des représentations.

Grégoire - Place Bellini ©Grégoire Lenoir
Place Bellini ©Grégoire Lenoir

Palerme c’est aussi le marché Ballaro où se vendent des rostres d’Espadon à foison, la Street Food à tous les coins de rue, les verres de Spritz en terrasse, les jus pressés avec les agrumes locaux ainsi que la vie nocturne. Attardons-nous sur cette dernière. En France, il existe une dérive de voisinage courante : le tapage nocturne. Cette dérive n’existe pas à Palerme. Plusieurs places palermoises deviennent à partir de minuit de vraies boîtes de nuit à ciel ouvert. Ces places entourées d’appartements (le nôtre n’étant pas loin d’ailleurs) voient danser des centaines de personnes jusqu’à la fin de la nuit. Le son est tellement perçant et les basses si poussées qu’on n’entendrait pas un avion raser la place. Mais, cela fait partie du charme de la ville !

En tant que rédacteur de la rubrique économie, je ne peux vous quitter sans quelques mots à propos de la situation économique de la Sicile. Comme l’Italie du Sud en général, on ressent immédiatement le décalage avec notre pays. La pauvreté est bien plus saillante que dans notre capitale. Les poubelles jonchent les rues et de nombreux bâtiments ne sont pas entretenus. De magnifiques églises sont par exemple en état de délabrement dans le centre même de la ville. Les fenêtres sont brisées et les murs tagués alors qu’il s’agit de la capitale administrative. Le chômage y est aussi très élevé : environ 20%. Chez les jeunes (16-25 ans), le constat est catastrophique : près de 60%. Il faut dire que la Sicile hérite de la fameuse mafia sicilienne encore présente aujourd’hui même si plus affaiblie. Corruption et économie ne font pas bon ménage…

Pour ne pas finir sur une touche négative, la Sicile c’est aussi ses plages méditerranéennes, des criques ravissantes et une nature environnante chaleureuse. Autant d’atouts qui font de la région un lieu de dépaysement très apprécié (attention toutefois aux piqûres de méduses !).