Brèves

Retrouvez sur cette page nos deux rubriques participatives composées des recommandations littéraires (La Gazette) et culturelles (La Chronique) de nos lecteurs. Écrivez-nous pour participer !

La Gazette

Festivus Festivus / Conversations avec Elisabeth Lévy, Philippe Muray, Flammarion, 2008, 496p

Ah ce cher contemporain, notre Festivus Festivus, promoteur enthousiaste d’un monde meilleur, fraternel et surtout festif, habitué convaincu de la Technoparade, de Paris Plage et des raves en tout genre, militant exalté de la croisade anti-FN de 2002 ou de la gay pride… C’est lui qui a tous les honneurs de ce recueil d’entretiens où Philippe Muray exerce sa verve brillante et cruelle. Festivus festivus, celui qui festive qu’il festive, nouvel avatar de l’humanité, implacable ennemi du Mal et souverain juge de l’opinion publique, à la fois cause et conséquence du drame pointé par Philippe Muray : la fin de l’Histoire.
C’est tout à fait désespérant, ou du moins ça devrait l’être. Si le constat est sans appel, le jugement est fin et la plume réjouissante. L’évocation du parisien des années 2000 vaut à elle seule le détour. Une illustration au vitriol du combat qui aujourd’hui plus que jamais fait rage entre les bons sentiments et le réel. Marie Legrier

Une femme, Annie Ernaux, Folio Gallimard, 1989, 120p

Aujourd’hui sa mère est morte. Aujourd’hui et pas hier, elle le sait. Face à son urgence d’écrire, Annie Ernaux revient sur la vie de sa mère, réunissant « la femme démente qu’elle est devenue, à celle forte et lumineuse qu’elle avait été ». Dépassant l’image de celle qui avait toujours été là, Ernaux part à la recherche d’une vérité sur la femme qui a existé en dehors d’elle. La volonté de s’élever et de tenir son rang, ligne directrice de la conduite de sa mère, façonne la vie de l’autrice au rythme de sa plume précise dans un récit intime et universel. Thaïs Wsevolojsky

Lettre à ceux qui attendent la consolation, Bénédicte Delelis, Fleurus, 2023, 106p.

Au hasard d’une librairie, flânant dans les rayons, un livre jaune attire mon regard : « Lettre à ceux qui attendent la consolation ». Cette Bénédicte Delelis a le don de trouver des titres qui accrochent.
C’est, en effet, une vraie trouvaille, car le miracle s’opère : je dévore les mots sans m’en apercevoir. La gifle est nécessaire : où est Dieu quand nous hurlons au Ciel toutes nos souffrances ? et Son silence est il, en Lui-même, une réponse ? Madame Delelis touche le cœur et l’âme et Dieu Seul sait comme il faut beaucoup de ces deux-là pour parvenir à apaiser la douleur. N’attendez pas la consolation, chers lecteurs, mais ouvrez vos yeux : elle est déjà en vous, endormie, ne se languissant que de votre amour et de votre pardon. Charlotte Cros de Gracia

Le bouc émissaire, Daphné du Maurier, Le livre de poche, 2014, 280p

Une intrigue envoûtante, un destin implacable. John, historien anglais à la vie rangée, rencontre au Mans son sosie parfait, l’aristocrate Jean de Gué, épicurien désinvolte, excédé par sa vie de famille étouffante. Le lendemain, John se réveille, vêtu des habits de Jean qui a disparu : John se glisse alors dans la peau de Jean et arrive au château de Saint-Gilles à sa place. Dans un suspens allant crescendo, l’auteur de Rebecca signe avec une plume envolée un véritable thriller psychologique qui met son lecteur sous tension durant 375 pages. Possédé par les thèmes de la rédemption et de la culpabilité, de l’identité et du rapport à l’autre, ce roman explore les méandres profonds de l’âme humaine à travers une histoire ténébreuse, mais pourtant obscurément lumineuse. On regrette qu’Hitchcock ne l’ai pas porté à l’écran ! Clémence Douillot

Le Guépard, Giuseppe Tomasi di Lampedusa, Points, 1958, 357p

Récit du bouleversement d’un monde, l’histoire de Don Fabrizio, prince de Salina, se déroule lors de la réunification italienne. L’ordre monarchique n’est plus et laisse place à l’opportunisme bourgeois. Le calme Sicilien est alors ébranlé par d’ambitieuses intrigues ayant en vue la conquête de ce pouvoir jadis détenu par la noblesse. Face à ces changements subsiste Fabrizio, témoin lucide des promesses chimériques du nouveau régime et dernier représentant d’une caste qui s’éteindra à sa mort. Récit d’un amour, histoire d’un pays, aventure d’un homme, ce livre est tout cela mais, plus encore, il est l’écho oublié d’une aristocratie fidèle à sa devise : « Noblesse oblige ». Maxime Duval

La mort heureuse, Albert Camus, Gallimard, 2010, 176p

Camus nous parle de soleil, de beauté et de désir ; pas d’amour, sinon l’amour des sourires de la mer et du ciel, de la chaleur d’Algérie et des ruines blanchies couvertes d’absinthes. Ce livre est rempli de jeunesse, il déborde de sensations. Il n’y a rien d’autre que l’instant. Un nom. Mais Patrice Mersault n’est rattaché ni à une histoire, ni à un espoir, seulement à son être. Il est fondamentalement.
Un évènement : le meurtre de Zagreus. Pourquoi ? L’argent n’a guère sa place dans ce monde camusien. Un geste radical, un choix nécessaire et irrévocable : le bonheur. Et Mersault s’y jette à corps perdu. Vagabond des rues pavées de Prague, glissant sous ses arches, dans les nuages odorant de concombre au vinaigre, il cherche son bonheur. Toujours plus loin vers le Nord. Mais il n’y a pas de soleil, si haut. Et c’est ça, le bonheur de Mersault : le soleil, la chaleur. Il lui faut redescendre, s’installer, poser sa valise devant une maison aux murs de torchis blanc qui brûle les yeux et s’allonger à midi devant le Monde. Il manque une dernière chose : la solitude, parmi les ruines de Tipaza. Là, dans sa petite maison à trois pièces – deux en bas, une en haut – toutes les préoccupations de Mersault finissent par se dissoudre dans les effluves d’amandiers et de caroubiers, disparaître dans l’ombre rafraîchissante des pierres brûlantes, fondre dans l’immensité bleue du Chenoua et lui avec. Choix essentiel et nécessaire de se consacrer à la terre, oublier tout, vivre, mourir, heureux. Disparaître. L’errance de l’être à la recherche de consolation laisse place à l’être tout court, dénué d’égo. C’est cela, la mort heureuse. Imani Lille

En bon père de famille, Rose Lamy, JC Lattès, 2023, 250p

En 1804, le Code Napoléon consacre l’expression “en bon père de famille”, érigeant le père en figure juste, raisonnable et soucieuse du bien-être de ses pairs. Dans son essai, Rose Lamy désacralise cette figure : elle nous rappelle que le monstre ce n’est pas l’autre et que, bien souvent, les violences sont commises par ces bons pères de famille, des êtres intégrés socialement et fort appréciés par leur entourage. Et pourtant, statistiquement, ce sont eux qui sont à l’origine des violences intra-familiales.
Lecteurs, lectrices, s’aventurer dans la lecture de cet essai adroit et ingénieux c’est avoir le courage de repenser certaines normes sociales – et (peut-être) à terme de ne plus employer l’expression “en bon père de famille” de la même manière ! Anabelle Claudon

La Chronique

« Oublie-moi » - Théâtre actuel La Bruyère, Paris.

Jeanne et Arthur sont un jeune couple. Lui est charmeur, elle rieuse à souhait. Tout leur prête au bonheur. Ils vivent ensemble, se chamaillent, sortent, jouent… jusqu’à ce qu’une course à l’épicerie du coin vienne bousculer leur romance. Aidé par un dynamisme touchant et une mise en scène sophistiquée, le spectateur passe par tout un nuancier d’émotions. À voir du mardi au vendredi à 19h, et le samedi à 18h30 au Théâtre actuel La Bruyère. Bertrand Bonnaventure

« Maurice Denis ou Les chemins de la nature », jusqu’au 31 mars 2024, Musée Départemental Maurice Denis, Saint-Germain-en-Laye

À proximité du Musée d’archéologie nationale se dévoile un musée plus intimiste, consacré à Maurice Denis, peintre nabi de la fin du XIXe et principal acteur du renouveau de l’art sacré au début du XXe siècle. L’exposition actuelle y présente sa vision de la nature grâce à des œuvres connues ou inédites. On en déplorera les explications trop succinctes, parfois simplistes des œuvres. Mais ce sera l’occasion de contempler ce qui fit la renommée du peintre, une touche colorée moderne inscrite dans une tradition picturale, au service d’un sens du religieux et sacré profond. En témoigne la Chapelle du Prieuré, œuvre d’art totale, exceptionnelle tant par ses qualités esthétiques que son programme iconographique. Madeleine Chevallier

« Objectif Mer : l’océan filmé. » , jusqu’au 5 mai 2024, Musée de la Marine, Paris.

Cadrer l’infini ! Le musée de la Marine hisse la grand-voile et accompagne sa réouverture avec une exposition spectaculaire et féérique, conçue avec la Cinémathèque française. Comment filmer la mer ? Comment rendre compte de ce rêve inaccessible aux mouvements infinis ? Des Frères Lumière à Spielberg, ce voyage fantastique sur les océans se vit au rythme des caméras. La croisière paisible se transforme en une odyssée tempétueuse, où l’on échappe de peu aux mâchoires iconiques du requin des Dents de la Mer, avant de découvrir les costumes de Pirate des Caraïbes. La navigation s’achève par un dernier hommage à Jacques Perrin et à son mythique Océan. Une exploration maritime vertigineuse à travers une caméra à ne pas manquer ! Clémence Douillot

« Jeunes gens qui voulez être les officiants de la beauté, peut-être vous plaira-t-il de trouver ici le résumé d’une longue expérience », Musée Rodin, Paris.

En 1916, le sculpteur Auguste Rodin (1840-1917) fit don de l’ensemble de son œuvre et de ses biens à l’Etat français ainsi que de ses droits d’auteurs. Trois ans plus tard, ouvre le musée parisien consacré à l’artiste dans l’hôtel particulier du XVIIIe dit de Biron. Cet hôtel prend place au sein d’un très beau jardin où s’harmonisent la sculpture et la nature au fil des saisons. Les jeux de lumière, le caractère intimiste des espaces d’exposition nous offrent une expérience nouvelle des œuvres.  Dans ce cadre, ces dernières, que l’on pensait jusqu’alors connaître, se révèlent sous un jour nouveau, leur matérialité leur donne une profondeur nouvelle. Y flâner, c’est s’offrir à la fois une expérience esthétique et intellectuelle, grâce à la muséographie renouvelée en 2015 qui nous rend accessible une œuvre autrement énigmatique. Tea Lagabe

Le château de Bagatelle, bois de Boulogne, Paris, de janvier à novembre.

Caché aux abords de Paris, en plein cœur du bois de Boulogne, se trouve le Château de Bagatelle, joyau oublié du public. Ce véritable bijou architectural accueillait au XVIIIe siècle fêtes et bals les plus extravagants, parfois intimes, souvent grandioses. C’est en effet après un pari fou lancé par la Reine Marie-Antoinette que le Comte d’Artois, deuxième frère de Louis XVI s’engage à bâtir, en deux mois, ce château féérique. Les récents travaux de conservation plongent chaque visiteur au milieu des parquets anciens, gravures et moulures d’antan ainsi que plafonds de glace, où chaque anecdote du château est contée, un voyage dans le temps dont tous ressortent le cœur brûlant de fantaisies princières. Philibert Rousseau

« Horace Vernet », jusqu’au 17 mars 2024, château de Versailles.

Bien connu comme la demeure éclatante des rois de France, Versailles s’est mué un temps en un immense musée d’histoire de France. C’est pour enrichir ses collections que Louis-Philippe commande à Horace Vernet une série de tableaux historiques qui vont des batailles napoléoniennes à la conquête de l’Algérie, où il n’hésite pas à envoyer l’artiste comme peintre officiel de la couronne. Ses toiles, claires et mouvementées, occupent désormais les galeries du château, habituellement fermées au public et dont elles occupent des pans de murs entiers, comme sa Prise de la Smalah d’Abd-el-Kader longue de plus de 20 mètres. Albane Le Conte

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