Brèves

Retrouvez sur cette page nos deux rubriques participatives composées des recommandations littéraires (La Gazette) et culturelles (La Chronique) de nos lecteurs. Écrivez-nous pour participer !

La Gazette

La puissance et la gloire, Graham Greene, Robert Laffont, 1948, 348p.

Au début du XXème siècle, le clergé mexicain est persécuté par une dictature profondément antireligieuse. Seul un prêtre échappe au gouvernement. Sa tête est mise à prix, les soldats sont à ses trousses. Ce prêtre n’est pas un idéal de vertu : il aime trop l’alcool et est rongé par toutes les fautes commises au cours de son sacerdoce. Pourtant, malgré ses bassesses, il accomplit son devoir religieux. À travers un narrateur faisant naître à la fois du mépris, de la pitié et de l’admiration, Graham Greene invite à se questionner sur le bien, le mal et leur mince frontière. Son œuvre est déroutante, saisissante mais surtout puissante et glorieuse. Sophie Foliot

La Prisonnière des Sargasses, Jean Rhys, Gallimard, 1966, 252p.

Antoinette Cosway est une femme créole mariée de force à un jeune anglais, Rochester, dans une Jamaïque qui depuis 1833 a aboli l’esclavage. Son mari, dont le regard est empreint de stéréotypes impérialistes sur les Caraïbes, cherche à remodeler son identité, lui affublant le prénom de Bertha. Violence, écartèlement culturel et démence s’ensuivent, puisque Antoinette sera enfermée dans le grenier du manoir de son époux, accusée d’hystérie. La Prisonnière des Sargasses nous plonge dans une histoire magistrale, tragique et étouffante, qui retrace l’aliénation progressive d’Antoinette par Rochester, en explorant en filigrane les thèmes de la peur de l’autre et de la marginalité. Annabelle Claudon

Les rois maudits, Maurice Druon, Le livre de poche, 1973, 1760p.

De l’amour, de la guerre, des vengeances, des complots, mais aussi l’honneur et la quête de grandeur… Ce n’est pas là le scénario de Game of Thrones, mais celui de la brillante série Les Rois maudits de Maurice Druon. Récit de la malédiction des successeurs de Philippe le Bel à la veille de la guerre de Cent ans, ces sept romans haletants vous plongeront dans un Moyen-Âge haut en couleurs. Et pour les cinéphiles, Les Rois maudits ont été adaptés dans les années 70 en feuilleton, à regarder sur le site de l’INA… Maëlys de Bourayne

La Valse aux adieux, Milan Kundera, Gallimard, 1978, 353p.

Un huis clos aux odeurs tchécoslovaques qui répond quasiment aux unités théâtrales: cinq personnages dans une station thermale, cinq jours, cinq chapitres, des dizaines de femmes en recherche de fécondité et cette jeune infirmière enceinte, qui ne sait que faire de cet enfant qu’elle porte. Dans La valse aux adieux, Milan Kundera décortique avec cynisme l’âme humaine, ses bassesses, ses mensonges et ses défauts pour ne répondre qu’à une seule quête: la vérité, quel qu’en soit son prix. Cher lecteur, danse! je n’ai plus qu’une seule chose à te faire parvenir: terminer cet ouvrage ne sera jamais mettre fin à l’histoire. Charlotte Cros

Samarcande, Amin Maalouf, Lattès, 1988, 380p.

Samarcande, écrit en 1988, relate la rédaction des robaïyat par le savant et poète oriental Omar Khayam au XIIème siècle, puis leur redécouverte par un Américain dans un empire perse en ébullition au début du XXème siècle. Rien de bien moderne. Pourtant, par son actualité, la lecture de cette œuvre s’impose. Amin Maalouf, l’auteur, vient d’être élu secrétaire perpétuel de l’Académie française et sa fine description de la place de la violence en Orient fait écho aux derniers développements géopolitiques régionaux. Il est donc urgent de (re)découvrir les talents de conteur et la plume enchanteresse du plus important des immortels. Alban de Gmeline

La peur, Gabriel Chevallier, Le Dilettante, 2010, 416p.

Gabriel Chevallier témoigne avec sincérité et courage, dans ce récit autobiographique, de son effroi en tant que jeune mobilisé lors de la guerre de 14-18. Dans une lecture que le programme d’histoire devrait rendre obligatoire, se découvrent son quotidien et ses pensées. Plongé malgré lui dans l’horreur des tranchées, l’auteur en profite pour livrer son regard critique sur tous les acteurs de ce conflit, des officiers cupides à leurs rejetons grotesques, des infirmières naïves aux civils stupides, abreuvés et excités par la propagande. Après cette lecture, d’une étrange actualité, nous serons forcés de méditer sur l’absurdité de ce conflit, et peut-être plus largement de notre société. Bertrand Bonnaventure

Au bord des fleuves de Babylone, Michel O’Brien, Salvator, 2023, 396p.

Avec émotion, j’ai suivi les pas du serviteur du temple Ezechiel depuis les prairies de Judée jusques aux rives de la rivière Kébar.  J’ai frémi devant la décadence des prêtres et des rois de Jérusalem, attirant sur leur peuple le châtiment divin. J’ai chanté avec Jérémie les célèbres versets : « Sur les bords des fleuves de Babylone, nous étions assis et nous pleurions, en nous souvenant de Sion. ». Véritable immersion au sein du peuple hébreu aux temps troublés du VIe siècle avant J.-C., le roman de Michael O’Brien livre une réflexion intéressante sur l’art de rester chrétien dans un monde qui ne l’est plus. Marie Legrier

La Chronique

« Oublie-moi » - Théâtre actuel La Bruyère, Paris.

Jeanne et Arthur sont un jeune couple. Lui est charmeur, elle rieuse à souhait. Tout leur prête au bonheur. Ils vivent ensemble, se chamaillent, sortent, jouent… jusqu’à ce qu’une course à l’épicerie du coin vienne bousculer leur romance. Aidé par un dynamisme touchant et une mise en scène sophistiquée, le spectateur passe par tout un nuancier d’émotions. À voir du mardi au vendredi à 19h, et le samedi à 18h30 au Théâtre actuel La Bruyère. Bertrand Bonnaventure

« Maurice Denis ou Les chemins de la nature », jusqu’au 31 mars 2024, Musée Départemental Maurice Denis, Saint-Germain-en-Laye

À proximité du Musée d’archéologie nationale se dévoile un musée plus intimiste, consacré à Maurice Denis, peintre nabi de la fin du XIXe et principal acteur du renouveau de l’art sacré au début du XXe siècle. L’exposition actuelle y présente sa vision de la nature grâce à des œuvres connues ou inédites. On en déplorera les explications trop succinctes, parfois simplistes des œuvres. Mais ce sera l’occasion de contempler ce qui fit la renommée du peintre, une touche colorée moderne inscrite dans une tradition picturale, au service d’un sens du religieux et sacré profond. En témoigne la Chapelle du Prieuré, œuvre d’art totale, exceptionnelle tant par ses qualités esthétiques que son programme iconographique. Madeleine Chevallier

« Objectif Mer : l’océan filmé. » , jusqu’au 5 mai 2024, Musée de la Marine, Paris.

Cadrer l’infini ! Le musée de la Marine hisse la grand-voile et accompagne sa réouverture avec une exposition spectaculaire et féérique, conçue avec la Cinémathèque française. Comment filmer la mer ? Comment rendre compte de ce rêve inaccessible aux mouvements infinis ? Des Frères Lumière à Spielberg, ce voyage fantastique sur les océans se vit au rythme des caméras. La croisière paisible se transforme en une odyssée tempétueuse, où l’on échappe de peu aux mâchoires iconiques du requin des Dents de la Mer, avant de découvrir les costumes de Pirate des Caraïbes. La navigation s’achève par un dernier hommage à Jacques Perrin et à son mythique Océan. Une exploration maritime vertigineuse à travers une caméra à ne pas manquer ! Clémence Douillot

« Jeunes gens qui voulez être les officiants de la beauté, peut-être vous plaira-t-il de trouver ici le résumé d’une longue expérience », Musée Rodin, Paris.

En 1916, le sculpteur Auguste Rodin (1840-1917) fit don de l’ensemble de son œuvre et de ses biens à l’Etat français ainsi que de ses droits d’auteurs. Trois ans plus tard, ouvre le musée parisien consacré à l’artiste dans l’hôtel particulier du XVIIIe dit de Biron. Cet hôtel prend place au sein d’un très beau jardin où s’harmonisent la sculpture et la nature au fil des saisons. Les jeux de lumière, le caractère intimiste des espaces d’exposition nous offrent une expérience nouvelle des œuvres.  Dans ce cadre, ces dernières, que l’on pensait jusqu’alors connaître, se révèlent sous un jour nouveau, leur matérialité leur donne une profondeur nouvelle. Y flâner, c’est s’offrir à la fois une expérience esthétique et intellectuelle, grâce à la muséographie renouvelée en 2015 qui nous rend accessible une œuvre autrement énigmatique. Tea Lagabe

Le château de Bagatelle, bois de Boulogne, Paris, de janvier à novembre.

Caché aux abords de Paris, en plein cœur du bois de Boulogne, se trouve le Château de Bagatelle, joyau oublié du public. Ce véritable bijou architectural accueillait au XVIIIe siècle fêtes et bals les plus extravagants, parfois intimes, souvent grandioses. C’est en effet après un pari fou lancé par la Reine Marie-Antoinette que le Comte d’Artois, deuxième frère de Louis XVI s’engage à bâtir, en deux mois, ce château féérique. Les récents travaux de conservation plongent chaque visiteur au milieu des parquets anciens, gravures et moulures d’antan ainsi que plafonds de glace, où chaque anecdote du château est contée, un voyage dans le temps dont tous ressortent le cœur brûlant de fantaisies princières. Philibert Rousseau

« Horace Vernet », jusqu’au 17 mars 2024, château de Versailles.

Bien connu comme la demeure éclatante des rois de France, Versailles s’est mué un temps en un immense musée d’histoire de France. C’est pour enrichir ses collections que Louis-Philippe commande à Horace Vernet une série de tableaux historiques qui vont des batailles napoléoniennes à la conquête de l’Algérie, où il n’hésite pas à envoyer l’artiste comme peintre officiel de la couronne. Ses toiles, claires et mouvementées, occupent désormais les galeries du château, habituellement fermées au public et dont elles occupent des pans de murs entiers, comme sa Prise de la Smalah d’Abd-el-Kader longue de plus de 20 mètres. Albane Le Conte

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