Le collectif Némésis : Nous entendons parler aux femmes françaises de problématiques qu’elles rencontrent en France, au quotidien

A 23 ans, après deux années de droit puis un BTS dans le secteur social, Alice dirige le collectif Némésis. Il a été fondé il y a deux ans par un groupe d’amies qui ne se retrouvaient pas dans le féminisme mainstream et qui étaient décidées, comme le dit le manifeste du collectif, à “s’emparer du combat concernant l’épanouissement de la femme occidentale”. Travaillant à plein temps pour Némésis depuis février, Alice a le projet de professionnaliser l’association d’ici à septembre prochain.

Alice Cordier

Pouvez-vous présenter le collectif Némésis, et expliquer le sens de son nom ?

Némésis est né il y a deux ans, en octobre 2019, par une petite dizaine de Parisiennes. C’était un peu une impulsion du cœur au départ. Nous n’avions pas d’idéologie particulière, si ce n’est que nous ne nous retrouvions pas dans le féminisme mainstream et que nous voulions dénoncer des choses bien particulières. L’élément vraiment déclencheur pour moi, ça a été un événement survenu en Bretagne : une jeune femme s’est fait violer dans son propre jardin par un migrant qui habitait à côté. Ouest-France a traité l’affaire de manière calomnieuse : à la souffrance de la femme violée, le média subsitituait la souffrance du migrant, évoquant ses conditions d’accueil et ses difficultés. J’ai trouvé ça scandalisant.

Quant au nom Némésis, il renvoie à une déesse de la mythologie : elle incarne la juste colère et le châtiment divin. Violée par Zeus quand elle était jeune, elle a décidé de combattre l’hybris (démesure). La dimension identitaire et culturelle de la mythologie nous plaisait bien aussi.

Vous définissez-vous comme des féministes identitaires ?

Oui, dans le sens où nous entendons parler aux femmes françaises de problématiques qu’elles rencontrent en France, au quotidien. Ce n’est pas une idéologie, comme le nationalisme, par exemple. Le mot identitaire renvoie strictement à l’identité. Cela passe aussi par la mise en avant de notre Histoire comme berceau de l’épanouissement de la femme, et par la défense de nos grandes femmes françaises. Nous avions pensé au départ à fonder un mouvement plus global, peut-être moins franco-centré, mais nous avons finalement choisi de nous concentrer sur ce qui se passe en France, pour ainsi gagner en efficacité, sans nous disperser.

Libérer la parole des femmes, est-ce dire tout ce que l’on veut…

Libérer la parole des femmes, pour moi, ce n’est pas leur faire dire ce qu’elles veulent, c’est surtout leur faire dire ce qu’on ne veut pas qu’elles disent, ce qu’on ne veut pas entendre. Nous voulons leur permettre de dire des choses sur lesquelles elles n’ont pas toujours la capacité de parler. Aujourd’hui, on explique les agressions sexuelles accomplies par des personnes racisées par leur pauvreté plus que par leur culture. On peut parler d’un véritable tabou. Nous, nous entendons lier les violences sexuelles à la culture des agresseurs : ce n’est pas uniquement un problème de pauvreté. D’ailleurs, les chiffres officiels du ministère de l’Intérieur concernant la proportion d’étrangers dans les agressions sexuelles appuient ce que nous défendons. La cause des femmes avancera quand on commencera à reconnaître qu’il existe des problèmes propres à certains groupes socio-culturels.

L’engagement politique des jeunes est un sujet très important. Pour vous, le combat de Némésis est-il un combat politique, et si oui, comment entendez-vous vous réapproprier ce combat qui est aujourd’hui plutôt l’apanage de la gauche ?

Je ne sais pas si notre action est plus politique ou sociale/sociétale. Nous “réapproprier” ce combat, cela se fait d’une part en montrant que le féminisme aujourd’hui est plutôt de l’idéologie de militantes d’extrême gauche. Je pense qu’il existe trop d’étiquettes politiques dans le féminisme, c’est un combat trop politisé. Au départ, nous nous trouvions entre deux courants : d’un côté, des féministes radicales (des misandres déguisées en féministes), de l’autre des féministes “intersectionnelles” : ce format met tous les combats sociaux derrière la même banderole. Notre combat à nous, il est plus restreint, mais il nous paraît plus cadré, plus efficace et plus utile. Notre action a deux objectifs principaux : premièrement, recueillir et porter les témoignages des femmes qui se sentent seules et qu’on n’écoute pas, et deuxièmement, faire en sorte que les pouvoirs publics s’emparent de ce problème de l’immigration et des violences sexuelles. Cela passe par des actions symboliques et fortement médiatisées, comme ce 31 janvier dernier au Trocadéro pour notre No Hijab Day.

Vous n’acceptez pas les hommes dans votre collectif, quelle place leur laissez-vous dans votre action ?

Si les combats idéologiques de Némésis sont de dénoncer les violences faites aux femmes et de mettre en avant les femmes qui ont construit la France, c’est aussi de briser la guerre des sexes préoccupante dans de nombreux mouvements dits féministes aujourd’hui, qui sont en fait souvent plus misandres que féministes. Nous nous attachons à rendre hommage à un homme qui intervient lorsqu’une femme se fait agresser dans la rue. Nous voulons montrer que nous avons besoin des hommes, nous voulons montrer que la force masculine est toujours au service des femmes.

Mais pour ce qui est du combat militant, puisqu’il est fondé sur le témoignage, il était important pour nous que nous restions entre femmes, pour que les femmes se sentent libres de témoigner et qu’elles trouvent chez nous une oreille féminine capable, non seulement de comprendre, mais surtout de ressentir ce qu’elles ressentent.

On entend souvent que le féminisme rejoue la lutte des classes entre les hommes et les femmes. Pourquoi ne pas plutôt parler d’humanisme, terme peut-être moins clivant et plus rassembleur pour une société déjà très divisée ?

L’humanisme s’adresse à un public plus global, tandis que nous entendons parler de thématiques propres aux femmes, comme le harcèlement de rue. Par exemple, si nous nous opposons à la Gestation pour autrui (GPA), c’est aussi parce que nous possédons en nous un instinct maternel intrinsèque qui nous fait considérer la GPA comme fondamentalement contraire aux droits et à la dignité de la femme.

Y a-t’il autant de féminismes que de féministes ?

Oui, absolument. Le grand problème, c’est que le féminisme est mal défini, et qu’on lui donne un sens très large qui regroupe beaucoup de combats. Il faut surtout lui ôter toute étiquette politique, et l’incarner dans la réalité. C’est cela qui touche.

Propos recueillis par Alban Smith et Ombeline Chabridon