Coups de cœur
Les coups de cœur de Charlotte
Sire, Jean Raspail, 2001
Sans mot. Sans voix. Sans critique et sans avis.
Roman, vraiment ?
Non.
« Sire » n’est pas qu’un simple livre dans lequel l’écrivain a posé des mots pour raconter une histoire : certains diraient dystopie, d’autres emploieraient le terme de rêve éveillé.
Hiver 1999 : Philippe de Bourbon, dix-huit ans à peine, est sacré roi de France dans le secret le plus total. Raspail mélange, avec brio, faits historiques et société moderne : langue de qualité, leçon d’histoire, écrit passionnant et déroutant, laissant au cœur du lecteur un étrange goût amer.
La notion du sacré reprend ses couleurs et l’amour de la France bat lentement dans les veines de celui qui découvre peu à peu les mots magiques de Raspail.
Les pages se tournent malgré elles et forment un jeu de piste enivrant, qui ne m’a endormie pour rien au monde ; elles réjouiront et donneront même une certaine raison à ceux qui attendent patiemment le retour de cet homme élu de Dieu.
Sceptique en ouvrant sa couverture, ce roman finit par me transporter vers une épopée chevaleresque, à laquelle – en secret – moi aussi j’ai envie de croire : deviendrai-je royaliste ? Non, mais tout de même, je me tourne – malgré moi – vers ma mère, et lui demande : « Dites, Maman, le Roi est-il vraiment mort ? »
Mon cher Hélie, merci de m’avoir offert ce livre que j’ai dévoré en quelques heures.
Et quant à vous, monsieur Raspail, courbette, révérence et chapeau bas !
Journal d’une indépendante affective, Emma Samary, 2022
Bouquin offert par une amie, rédigé par un écrivain inconnu du bataillon littéraire : « je l’ai découverte sur Instagram, tu m’en diras des nouvelles. », m’a-t-elle dit.
Curieuse, je cherche la maison d’édition : Amazon.
Je fronce les sourcils, ça ne sent pas très bon, cette histoire.
Elle en a pourtant pondu un autre, de bouquin, avant celui-ci : « Je ne suis pas une fille bien ». Je me marre en silence.
Et puis tiens, après tout, Emma, pourquoi pas ?
J’ouvre, je referme pratiquement aussitôt.
En même temps, cent deux pages, c’est assez rapide, pour une boulimique de la lecture. Gourmande, pour une jeune femme mince ? Non.
Rapide et expéditive, plutôt.
Ce que je pense de ce journal s’avère être du même gabarit que celle que je suis.
Les mots écrits sont modernes et rassemblent des pages intimes, étalées sur une année, qui racontent les plaies d’une rupture amoureuse.
Bon.
Soit.
Samary y écrit des adages communs et populaires, des phrases dignes de citations « instagrammables » – ce qu’on attend d’elle, même si je doute fortement qu’on lui ait demandé quoi que ce soit -, enfin, rien de bien nouveau sous le soleil des réseaux sociaux.
Je le sais, elle se ferait d’emblée exécuter sur la place publique des cercles pédants de la littérature française – si ce n’est pas déjà fait.
Elle n’est ni Sand, ni Sévigné, ni Colette. Elle ne prétend pas être un écrivain de génie, cela se voit et cela se lit. Écriture moyenne, jugée rapidement médiocre.
Et pourtant, dans tout cela, Emma me touche. Sa faiblesse et sa sensibilité purement féminines m’attendrissent. Elles me rappellent les miennes. C’est une femme qui souffre de sa solitude, qui murmure à qui veut la lire que sa tristesse est sa rédemption. Elle crie le reste, aussi, beaucoup, reste qui devient un amas de poussières face aux larmes et l’hystérie que provoquent apparemment une histoire d’amour. Je lève un sourcil : elle ne donne pas franchement l’envie de tomber amoureux – acte qui semble être, pour elle, un véritable casse-gueule.
Je souris, les yeux dans le vide.
« Rédigé le corps en été, le cœur en hiver ».
Et puis tiens, après tout, Emma, pourquoi pas ?